18. L’unité dans la diversité ?
Dans son traité Paris, le modèle des nations étrangères ou l’Europe française (1777xxi), Louis-Antoine Caraccioli (1719–1803), auteur polygraphe d’ouvrages philosophiques, historiques et religieux brosse une large fresque de l’Europe de la deuxième moitié du XVIIIe siècle dominée par l’influence de la culture française.
Des différentes Nations
À dieu ne plaise que j’abaisse ici les Européens pour relever les Français.
Italiens, Anglais, Allemands, Espagnols, Polonais, Russes, Suédois, Portugais, etc. vous êtes tous mes frères, tous mes amis, tous également braves et vertueux. Heureux qui, citoyen du monde ne connaît ni l’antipathie, ni la prévention.
Si je vous partage en diverses classes, c’est que vous différez dans la manière d’exister ; par la raison que la nature n’a pas fait deux êtres qui se ressemblent parfaitement, elle n’a pas formé deux peuples également solides, ni également légers. Le monde est vraiment un faisceau de fleurs, où le Français bigarré comme l’œillet, l’Italien éclatant comme une rose, l’Anglais rembruni comme la pensée, etc. forment le contraste le plus frappant.
Le terroir, ainsi que le climat, n’est pas la seule chose qui différencie les nations, la seule chose qui glace les Hollandais, qui embrase les Italiens ; la forme du gouvernement influe singulièrement sur l’esprit et sur les mœurs. On n’a pas les mêmes usages et les mêmes idées dans un pays despote, et dans un état républicain. L’Anglais voit les choses d’une manière rapprochée, le Musulman ne les aperçoit que dans l’éloignement. C’est l’histoire de la lunettexxii, dont un verre diminue les objets, et l’autre les grossit.
Quoi qu’il en soit, on reconnut toujours une nation dominante, qu’on s’efforça d’imiter. Jadis tout était romain, aujourd’hui tout est français. La différence des siècles opère ces changements. Il n’y a rien qui ne soit variable sous des astres sujets à de continuelles révolutions ; et sur une terre où l’esprit humain naturellement inquiet, se fait un honneur d’être inconstant, et plaisir de faire des essais.
Louis-Antoine Caraccioli, Paris, le modèle des nations étrangères ou l’Europe française (1777).
Pour lire le texte original en ligne (édition de 1777) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1156961
Pour écouter le livre audio : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1156961/f3.vocal
xxii La longue-vue.