Une des manières de mettre en évidence l’unité de l’Europe, en dépit de tout ce qui la sépare, est de souligner la manière dont elle réagit d’une seule voix à des événements heureux ou tragiques — on pourrait songer à l’impact sur les esprits du tremblement de terre de Lisbonne en 1755. Ici, en 1746, Diego de Torres Villarroel imagine une Europe allégorique pleurant la mort du roi Philippe V d’Espagne.
Sonnet
Qu’est-ce ? Clio pleure échevelée,
Triste, impatiente et inflexible
Et son beau front rubicond
Est de funestes cyprès couronné.
Europe la superbe, l’exaltée,
La gaie, l’amoureuse et florissante,
Autre Jérusalem, plus tristement
Gît seule, déserte et désolée.
Qu’est-ce ? Triste l’air, le Soleil funeste,
Et du Ciel la diaphane enceinte,
Si prompte à s’assombrir, si vite pâle.
Quel trouble ? Quelle horreur ? Quel labyrinthe
Surprend le monde ? Qu’est-ce ?
Qu’advient-il ? Philippe Cinq est mort !
Diego de Torres Villarroel, « Sonnet », Divertissements de la Muse (1751).
Pour lire le texte original en ligne (édition espagnole) : http://www.cervantesvirtual.com/obra/sonetos--8/