Selon Condorcet celui qui est véritablement un philosophe a un but essentiel : améliorer le sort de tous les hommes, au-delà des différences de nationalité, de religion ou de race. Un exemple réside dans leur engagement anti-esclavagiste.
Les philosophes des diverses nations embrassant, dans leurs méditations, les intérêts de l’humanité entière sans distinction de pays, de race ou de secte, formaient, malgré la différence de leurs opinions spéculatives, une phalange fortement unie contre toutes les erreurs, contre tous les genres de tyrannie. Animés par le sentiment d’une philanthropie universelle, ils combattaient l’injustice, lorsque, étrangère à leur patrie, elle ne pouvait les atteindre ; ils la combattaient encore, lorsque c’était leur patrie même qui s’en rendait coupable envers d’autres peuples ; ils s’élevaient en Europe contre les crimes dont l’avidité souille les rivages de l’Amérique, de l’Afrique ou de l’Asie. Les philosophes de l’Angleterre et de la France s’honoraient de prendre le nom, de remplir les devoirs d’amis de ces mêmes noirs, que leurs stupides tyrans dédaignaient de compter au nombre des hommes. Les éloges des écrivains français étaient le prix de la tolérance accordée en Russie et en Suède, tandis que Beccaria réfutait en Italie les maximes barbares de la jurisprudence française.
Marie-Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (1794).
Pour lire le texte original en ligne (édition de 1822) : https://books.google.de/books?id=hRIPAAAAQAAJ &printsec=frontcover