72. Critique de l’eurocentrisme
Clairement lecteur du Voltaire de Micromégas, Cadalso écrit ici à son ami le fabuliste Iriarte et témoigne, dans ce propos moqueur, de la circulation des images, des textes et des idées à travers toute l’Europe, et de la conscience prise par les intellectuels espagnols des Lumières du retard dont pâtissait leur pays.
Dans le café le plus fréquenté de l’une des villes principales de la Planète que nous appelons Saturne, on a l’habitude de lire les gazettes les plus authentiques et, dans le dernier paragraphe de l’une d’elles, il se trouvait la nouvelle ci-dessous, qui a été le motif de toutes les conversations dans tous les états politique, ecclésiastique, militaire, scholastique et juridique de ces contrées. Elle est arrivée jusqu’à moi comme par la magie d’une de mes voisines qui est sorcière, et où on peut lire :
« Dans un petit globe composé de solide et de liquide qui tourne autour du grand et unique luminaire, il y a une petite partie appelée Europe, habitée par des animalcules extrêmement méprisables qui s’appellent hommes. Une partie de ladite Europe presque inculte et dépeuplée s’appelle Espagne. »
Lettre de José Cadalso à Tomás de Iriarte (vers 1774).
Pour lire le texte original en ligne : http://www.cervantesvirtual.com/obra/cartas-de-cadalso-a-toms-de-iriarte-0/